Quand Sandrine Rousseau claque un « rien à péter » sur la rentabilité agricole, le monde agricole gronde d’indignation.
Une colère brute
À Auch, personne n’a pris la déclaration de Sandrine Rousseau à la légère. Surtout pas la Coordination rurale du Gers. Sur des bâches noires tendues devant le local des Écologistes, des mots clairs, directs, brutaux : « Rousseau, démission ». Et autour, une mise en scène aussi parlante que silencieuse : des bottes de foin empilées en pyramide, comme un gâteau de colère. L’action n’a rien d’un happening gentil. Elle dit ce que les agriculteurs n’arrivent plus à contenir : ras-le-bol, indignation, fatigue. Ce 18 juillet, ils n’ont pas cherché à faire de la pédagogie. Ils ont balancé leur vérité en plein centre-ville, sans détour ni filtre.
Tout est parti d’un passage de Sandrine Rousseau sur Le Média TV. La députée s’y lâche sans prendre de gants : « Je n’en ai rien à péter de leur rentabilité. La rentabilité de l’agriculture par des produits chimiques au détriment des sols, de la biodiversité et de notre santé, ce n’est pas de la rentabilité, c’est de l’argent sale. » Des mots qui claquent, sans nuance, qui rejettent tout un modèle. Pas étonnant que la réaction soit à la hauteur de la gifle ressentie. Sur les portes du local écolo, les agriculteurs répliquent, mot pour mot : « On n’en a rien à péter de ce que tu penses. Tu creuses la tombe de la France. » Ils visent large, et fort. Ils s’en prennent aussi au Conseil départemental, en y déposant des bottes de foin. Comme un symbole de leur quotidien oublié.
Une fracture qui s’enracine
Dans cette affaire, les mots de Sandrine Rousseau dépassent de loin une simple punchline. Ils révèlent une faille béante entre deux mondes. D’un côté, une écologie de combat, portée par une élite urbaine, parfois coupée des réalités du terrain. De l’autre, des femmes et des hommes qui vivent de leur terre, qui voient leur revenu s’effondrer et leur métier caricaturé. Entre les deux, plus grand-chose à sauver. La Coordination rurale du Gers le dit tout haut : elle ne se sent plus écoutée ni représentée.
Mais derrière l’énervement, une autre colère se dessine. Celle d’un monde agricole à bout de souffle, pris entre les normes, les prix cassés, la pression écologique et une reconnaissance qui ne vient jamais. Sandrine Rousseau, en mettant tous les agriculteurs dans le même sac, a rallumé une mèche déjà bien entamée. Elle s’attaque à la rentabilité, mais oublie que pour beaucoup, il ne s’agit pas de profit, juste de survie. Le ras-le-bol se transforme en insultes affichées, en actions coups de poing, en colère publique.
Et ce décalage nourrit un rejet qui dépasse sa personne. Les agriculteurs ne s’en prennent pas qu’à elle. Ils dénoncent un mépris qu’ils sentent grandir depuis des années. Ils réclament du respect, pas des leçons. Dans leur réponse, aussi violente soit-elle, il y a l’envie de faire entendre une souffrance étouffée. C’est cette fracture-là, bien plus que l’action elle-même, qui devrait inquiéter.
Sandrine Rousseau : une colère mal canalisée
Face à la mise en scène des agriculteurs, le président du Conseil départemental du Gers, Philippe Dupouy, a tenté de recadrer le débat. Il reconnaît la colère et refuse les dégradations. Il défend une démocratie qui débat, mais qui ne détruit pas. Pour lui, cette colère vise à tort le Département, simple témoin dans cette affaire. « Le Conseil Départemental est une victime collatérale de l’inaction du gouvernement », écrit-il, comme pour redistribuer les responsabilités. Une manière polie de dire que l’État a déserté le terrain. Que les agriculteurs n’en peuvent plus d’attendre.
Mais même avec cette position mesurée, le malaise reste. Derrière les bâches noires, il y a une détresse réelle. Les mots de Sandrine Rousseau sont vécus comme une trahison de plus. Un mépris de trop. L’action de la Coordination rurale choque certains, mais elle traduit surtout une absence de dialogue. Un abandon prolongé, qui pousse à l’excès.
Quand une élue traite la rentabilité agricole de « fric sale », elle oublie que derrière, il y a des familles, des corps usés, des silences pleins de honte. Et quand des agriculteurs collent « tu creuses la tombe de la France » sur une porte de parti, ce n’est pas juste pour provoquer. C’est pour qu’on les voie. Qu’on les entende enfin.