La Cour des comptes alerte : trop de pensions de retraite partent à l’étranger sans contrôle suffisant, ouvrant la porte à des fraudes massives.
Derrière la façade d’un système bien huilé, la retraite à l’étranger cache parfois des histoires troublantes et coûteuses. La Cour des comptes a décidé de tout mettre en lumière.
La retraite à l’étranger tombe entre de mauvaises mains
Sur le papier, tout semble cadré : des pensions versées chaque mois, même à distance, même au bout du monde. En réalité, certains en profitent largement sans y avoir droit. Usurpations d’identité, décès jamais déclarés, départs du territoire passés sous silence… Les fraudeurs redoublent d’inventivité, surtout quand les contrôles s’espacent. Le rapport de la Cour des comptes ne mâche pas ses mots. Plusieurs millions d’euros s’évaporent à cause de ces manquements chaque année. Et ce, sans parler de ce qu’on a réussi à détecter.
En quatre ans, la police aux frontières a décortiqué 2 500 dossiers. Résultat : 2,27 % des cas étaient douteux. Un chiffre en apparence modeste, sauf qu’il cache de lourdes pertes sur le long terme. Le plus frappant, c’est la concentration géographique des anomalies. Deux pays concentrent à eux seuls une bonne part des soucis : le Maroc et l’Algérie. Des documents irréguliers, des incohérences, parfois même des identités inexistantes. Une réalité que les chiffres ne laissent pas ignorer.
Maroc, Algérie… Un déséquilibre trop marqué pour rester ignoré
Les données sont sans appel. Dans l’échantillon examiné, 6 % des bénéficiaires sont nés au Maroc, mais ils représentent 22 % des fraudes repérées. Pour l’Algérie, 4 % des dossiers deviennent 14 % des cas problématiques. L’écart interpelle. Surtout quand on sait que près d’un tiers de tous les retraités français vivant à l’étranger se trouvent en Algérie. Le Maroc arrive plus loin, mais reste dans le peloton de tête. On retrouve ensuite le Portugal, la Tunisie, l’Espagne et la Belgique.
En tout, ces six pays regroupent 77 % des pensions versées hors de France. Un concentré géographique qui permettrait, avec un peu de bon sens, de cibler les contrôles efficacement. Et c’est exactement ce que les autorités ont commencé à faire. Entre 2020 et 2023, ils sont plus de 6 500 personnes à avoir été convoquées. Des retraités, appelés à prouver qu’ils existent bel et bien. Qu’ils vivent toujours, qu’ils touchent une pension à juste titre. À la loupe : 2 500 dossiers au Maroc, 4 000 en Algérie. Un travail fastidieux, mais nécessaire. Parce que derrière chaque fraude, c’est un morceau du système social français qui s’effrite.
Sécuriser la retraite à l’étranger
Le cœur du problème, c’est la coordination. Sans un échange fluide entre les administrations, les fraudes se glissent partout. La Cour des comptes ne se contente pas de constater. Elle propose. Il faut échanger plus rapidement les actes d’état civil. Croiser les fichiers entre pays. Mieux signaler les décès. Réconcilier les données dispersées entre caisses, consulats, organismes de Sécurité sociale. En clair, reconstruire un filet fiable, sans trous béants. C’est une question de confiance.
Si la pension de retraite continue de perdre des millions, la défiance grandira, et les vrais bénéficiaires en paieront le prix. Ce système repose sur un équilibre fragile. Une faille ici, une négligence là, et c’est toute la structure qui vacille. Et pourtant, tout cela reste réparable. Avec de la volonté et de la transparence. Avec des outils modernes, capables d’alerter dès qu’un détail cloche. La retraite à l’étranger n’a pas besoin d’être stigmatisée. Elle a juste besoin d’être mieux gardée.