Chaque année, les chiffres tombent comme une gifle : cette ville incarne, à elle seule, la plus pauvre de la France.
Quand la misère n’est plus invisible, elle a un visage, une adresse, un nom : celui d’une ville que tout le monde a oubliée.
Une pauvreté en France à ciel ouvert
À Roubaix, les chiffres ne racontent même plus la moitié de l’histoire. Ce qu’on voit, ce qu’on sent dans l’air, c’est cette pauvreté en France qui n’a plus besoin d’explication. Le seuil est dépassé depuis longtemps. Ici, la galère n’est pas une surprise, c’est le décor. Dans cette ville la plus pauvre de France, 46 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Presque un sur deux. C’est deux fois et demie la moyenne nationale.
Le textile a disparu, le travail avec. Il reste des familles entières sans perspectives, des jeunes au regard résigné, des logements fatigués. On parle souvent de l’abandon des territoires. Roubaix, c’est pire : c’est le désintérêt généralisé. On y survit plus qu’on y vit. Dans les rues, les passants racontent tous la même histoire, avec des mots simples : « Ici, c’est dur. Personne ne nous regarde ». C’est une pauvreté qui ne se cache plus, elle s’expose, par habitude, par fatalité.
La ville la plus pauvre de France, aujourd’hui oubliée
Ce qui rend tout ça plus douloureux, c’est le souvenir. Roubaix n’a pas toujours été au sol. Elle a connu la lumière. Capitale de la laine, moteur du textile européen, modèle d’urbanisation industrielle. Il y a un siècle, on l’appelait la « Manchester française ». Les briques rouges des maisons ouvrières n’étaient pas des cicatrices, mais les témoins d’un âge d’or. L’histoire est connue : délocalisations, faillites en cascade, chômage endémique. Les usines se sont tues. Les machines ont cessé de tourner. Les familles ouvrières ont été abandonnées comme les ateliers.
C’est toute une génération qui a perdu ses repères. À force de frapper au mauvais endroit, le déclin a fait mal. Ce n’est pas juste une ville sinistrée. C’est un pan entier de la mémoire ouvrière qui s’est effondré. Être la ville la plus pauvre de France, ce n’est pas une donnée économique, c’est une blessure culturelle. Une fracture entre le passé glorieux et le présent muet. Une pauvreté en France qui hurle avec la voix d’une ville qui ne comprend plus ce qui lui est arrivé.
Roubaix : une dignité qui refuse de mourir
Même dans la misère, Roubaix garde la tête haute. Il y a des tentatives, des projets, des idées. Des maisons vendues à un euro pour attirer les jeunes ménages. Des musées magnifiques dans des piscines vides, qui attirent l’œil du monde entier. Robert de Niro en personne a pleuré devant les œuvres de son père, accrochées là, dans cette ancienne piscine Art déco.
Le symbole est fort : même l’art a trouvé refuge dans cette ville la plus pauvre de France, comme une manière de dire que la beauté existe toujours, même dans les marges. Le dispositif des maisons à un euro ? Oui, il a ses limites. Mais il prouve une chose : les habitants, les élus, refusent de baisser les bras. Ils testent, ils créent, ils espèrent. Roubaix n’est pas morte. Elle se débat. C’est ce qui la rend belle, malgré tout. Parce que dans cette pauvreté en France qui étouffe, il reste un souffle fragile, mais vivant.