Sous le feu des critiques, la Cour des comptes dénonce sévèrement une gestion laxiste du CESE, jugée trop coûteuse pour l’État.
Il y a des institutions qui traversent les années dans l’ombre, jusqu’au jour où un rapport bien senti les remet sous les projecteurs. Cette semaine, c’est le Conseil économique, social et environnemental ou Cese qui se retrouve sur la sellette, et pas pour de bonnes raisons.
Cese : un fonctionnement hors des clous, pointé du doigt
Le ton est sec, la plume sans indulgence. La Cour des comptes n’y va pas avec des pincettes pour parler du Cese, troisième assemblée de la République. Dans son dernier rapport, elle évoque une structure coûteuse, opaque, qui continue de fonctionner à l’écart des exigences budgétaires imposées à l’ensemble des entités publiques. Les juges de la rue Cambon tapent fort : huit jours de congé non justifiés, un temps de travail inférieur à la norme légale, et un budget qui, malgré une baisse du nombre de membres, n’a pas vraiment bougé. Sur le papier, le Cese a réduit sa voilure, passant de 233 à 175 conseillers. Mais dans les faits, aucune économie réelle pour l’État. La Cour est formelle : cette institution ne peut plus continuer à évoluer dans une bulle préservée.
Le constat est d’autant plus sec que l’effort demandé n’est pas isolé. L’État cherche à combler un trou colossal de 40 milliards d’euros. Chaque euro compte, et voir une institution consultative, maintenir des privilèges en période de disette budgétaire passe mal. Le Cese est invité à rentrer dans le rang, à se soumettre aux mêmes règles que les autres. Travailler 1607 heures par an, comme partout ailleurs. Supprimer des jours de congé superflus. C’est une demande claire, pas une option.
La parole citoyenne, oui, mais à quel prix ?
Depuis la réforme de 2021, le Cese a tenté de se réinventer. Il s’est vu confier un rôle élargi : faire remonter la voix des citoyens, organiser des conventions sur des thèmes de société, faciliter la démocratie participative. L’intention est louable, mais sa mise en œuvre coûte cher, et parfois, manque de cohérence. La sélection des citoyens tirés au sort pour ces fameuses conventions n’est pas neutre. Elle repose sur le volontariat, ce qui introduit des biais. Et surtout, elle pèse sur les finances publiques. La Cour des comptes évoque une méthode bancale, et appelle à une formation plus sérieuse en interne. Les animateurs de débats, souvent externalisés, pourraient être remplacés par des agents déjà formés, présents dans les trois versants de la fonction publique.
Le Cese s’autosaisit, aussi, beaucoup. Trop, selon la Cour. 79 % de ses travaux sont produits à son initiative, loin des attentes du Parlement ou du gouvernement. Sur les cinq dernières années, à peine 34 saisines officielles. Et peu de retours citoyens via les pétitions pourtant facilitées. Le lien démocratique promis semble fragile. À cela s’ajoute une gestion budgétaire floue : les 4,2 millions d’euros annuels dédiés à la participation citoyenne sont désormais noyés dans la dotation globale, sans réel suivi précis. Un flou que les magistrats jugent problématique, car il empêche de mesurer si cet argent est vraiment bien utilisé.
Défense et contre-attaque
Face à ces critiques, le Cese ne se tait pas. Il se défend, chiffres à l’appui. Réduction de 26 % des dépenses de fonctionnement, baisse du budget global fixé à 4 millions d’euros en 2025, amélioration des outils de contrôle, mise en place de nouvelles méthodes de pilotage. Il évoque aussi ses conventions citoyennes sur le climat, la fin de vie ou encore la question du temps de l’enfant, comme autant de preuves de sa transformation. Un effort qu’il qualifie de « profond et inédit ».
Mais derrière cette posture rassurante, on sent une institution bousculée. Le Cese admet qu’il faut revoir le contrat social avec ses agents, et annonce des discussions en cours. Il déplore les caricatures, les attaques injustes, les informations erronées relayées dans les médias. On perçoit une certaine lassitude, presque un soupçon de colère. Comme si l’institution ne comprenait pas pourquoi ses efforts n’étaient pas reconnus. Mais l’époque est rude, les finances en tension, et la patience des Sages de la rue Cambon semble épuisée.
Il y a une vérité crue derrière ce rapport : être utile ne suffit plus. Il faut aussi être exemplaire. Le Cese, s’il veut continuer à exister dans un paysage institutionnel chamboulé, va devoir se réinventer pour de bon.