Dix ans de silence et de prières, puis la rupture : Jean-Baptiste Gélébart, un ex-religieux, traîne aujourd’hui les Carmes devant les tribunaux.
Il faut parfois du courage pour tout quitter et se battre pour ce qu’on estime juste. Jean-Baptiste Gélébart, après plus de dix ans au sein de l’ordre des Carmes, a fait ce choix. En 2024, il décide de quitter la vie monastique. Ainsi, de retourner à la vie civile. Avec lui, une question s’impose : pourra-t-il récupérer l’argent qu’il a donné en faisant vœu de pauvreté ? Une somme que son ancien ordre refuse aujourd’hui de lui rendre. Cet ex-religieux revendique son héritage, voilà un combat qui interpelle bien au-delà des murs du couvent.
Une vie monastique intense
La vie quotidienne de Jean-Baptiste Gélébart au couvent d’Avon s’est déroulée entre prières régulières, lectures et corvées. Le rythme s’est imposé sans compromis. Et ce, de l’aube au crépuscule. À 35 ans, il avoue ne plus pouvoir suivre ce tempo. Son passé a laissé des cicatrices profondes. Il a vécu des violences dans son enfance, et subi des maladies indépendantes de sa vie religieuse.
Après douze ans dans l’ordre et un accompagnement thérapeutique, il demande à partir. Il n’est plus capable de continuer ce chemin. Pour lui, la séparation est aussi une chance de se reconstruire. Il entame un séjour en clinique psychiatrique, prend du recul, réfléchit à sa nouvelle vie. Trouver un logement, un emploi, reprendre pied dans un monde qu’il avait laissé derrière lui : ce sont les défis qu’il doit relever. Et c’est là que surgit le litige autour de son argent déposé à l’ordre, environ 25 000 euros, somme qu’il souhaite récupérer.
Ex-religieux revendique son héritage : un bras de fer judiciaire
Les tentatives de règlement à l’amiable ne donnent rien. L’affaire prend la voie judiciaire. L’arrivée d’un nouveau supérieur provincial en 2023 complique encore la situation. Ce dernier remet en cause le suivi psychologique dont bénéficiait Jean-Baptiste, accentuant les tensions.
Le frère Antoine-Marie Leduc, supérieur provincial des Carmes de Paris, défend la position de l’ordre. Selon lui, la restitution des biens ne s’applique pas après sept ans passés dans la communauté, période qui marque l’engagement définitif. La communauté se dit prête à aider Jean-Baptiste dans sa réinsertion, mais sans céder sur la restitution.
Me Jean-Baptiste Moquet, avocat du plaignant, avance que selon les règles internes et la doctrine de l’Église, l’ex-frère doit récupérer ce qu’il a apporté. La somme réclamée a même grimpé, passant de 25 000 à 87 000 euros, englobant désormais un préjudice moral.
Une reconstruction difficile
Aujourd’hui, Jean-Baptiste Gélébart a retrouvé un emploi dans la fonction publique et passe des concours pour assurer sa stabilité. Il doit aussi gérer les conséquences familiales. Sa sortie de l’ordre ne passe pas inaperçue auprès de ses proches, très attachés à la religion. Sa foi, elle, a basculé. La prière n’a plus la même place, la confiance dans l’institution s’est effritée.
Interrogé sur ses conseils pour ceux qui envisagent la vie religieuse, il répond sans détour : il ne recommande pas d’entrer dans un ordre, du moins pas dans cet état actuel des choses.
Le supérieur provincial, lui, regrette l’exposition médiatique de l’affaire. Il déplore que cette médiatisation jette une ombre sur la province et complique le dialogue. La porte reste ouverte, assure-t-il, mais la fracture paraît profonde.
Cette histoire dépasse largement un simple conflit financier. Cet ex-religieux raconte la remise en question d’un homme, ses blessures, et sa lutte pour exister à nouveau. Plus qu’un dossier judiciaire, c’est un récit de vie qui interroge, bouscule et invite à écouter ceux qui osent dire non.