ns un gouvernement tissé de nuances partisanes, François Bayrou semble condamné à tolérer une parole plus libre qu’il ne voudrait.
Il suffit d’un mot de trop, d’une tribune qui détonne ou d’un tweet agacé pour que le château de cartes vacille. Dans ce gouvernement aux sensibilités multiples, François Bayrou marche sur un fil.
Une cacophonie assumée sous haute tension
La polyphonie n’est pas un accident, c’est presque la règle. François Bayrou, avec ses ministres venus de tous les horizons : Renaissance, Modem, Horizons, une pincée de LR, n’a pas franchement les coudées franches. Sophie Primas, la porte-parole du gouvernement, l’a admis sans fard au micro de RTL : impossible pour lui de verrouiller chaque parole, chaque sortie médiatique, chaque avis tranché. Les tempéraments sont trop variés, les convictions trop ancrées. Il faut faire avec. Il le sait et il l’accepte. Et il compose, au jour le jour, avec ce chœur parfois dissonant.
C’est pourtant bien Emmanuel Macron qui, depuis l’Aveyron, a sifflé la fin de la récré. Le Président, visiblement agacé, a appelé chacun à s’en tenir à son portefeuille, rien de plus. Autrement dit : cessez les prises de parole hors-piste, même si vous êtes ministre. Même si vous avez un point de vue. Même si vous pensez avoir raison. Car la ligne, désormais, doit venir du sommet. Et ce sommet, ce n’est pas François Bayrou, même s’il reste le premier à bord. C’est un coup de pression, poli, mais ferme, adressé à ceux qui confondent liberté de ton et tir ami.
Quand les ministres se parlent à travers les tribunes
L’explosion vient d’un sujet sensible : l’énergie. Trois poids lourds des Républicains, dont le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, ont pris la plume dans Le Figaro pour dire stop aux subventions pour les éoliennes et le solaire. Ils plaident pour un retour massif au nucléaire. En d’autres temps, ce serait passé pour une discussion technique. Mais en ce moment, ce genre de prise de position est tout sauf anodin.
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Gabriel Attal, patron de Renaissance, a dénoncé sur X un retour au « climatoscepticisme anti-science ». Ambiance électrique. Et pendant ce temps, François Bayrou observe. Il encaisse. Il arbitre aussi, selon Sophie Primas. Mais on comprend bien que l’autorité du Premier ministre s’exerce dans un équilibre fragile. Trop autoritaire, il se met à dos les composantes de sa majorité. Trop permissif, il donne l’impression d’un gouvernement en roue libre.
Le cœur du problème est là : il n’y a plus de majorité claire à l’Assemblée. Trois blocs s’y font face sans qu’aucun ne l’emporte. Et au milieu, ce gouvernement de coalition, bricolé avec les moyens du bord, essaie tant bien que mal de tenir une ligne. Une ligne qu’il faut redéfinir chaque matin.
François Bayrou, chef d’orchestre sans baguette
Ce n’est pas le rôle rêvé. Mais François Bayrou n’a jamais aimé la facilité. Il dirige un gouvernement qu’il ne peut pas vraiment recadrer. Il doit donner l’illusion d’une cohérence, tout en sachant que certains de ses ministres sont là plus pour leur parti que pour l’équipe. Sophie Primas le dit d’ailleurs avec un calme presque désarmant : chacun garde sa voix. Ce n’est pas une insubordination. C’est la réalité du terrain.
La porte-parole insiste aussi sur le fait que, malgré tout, une fois que François Bayrou tranche, tout le monde est censé suivre, en théorie. Mais la pratique montre que l’adhésion est parfois conditionnelle. Certains dossiers clivent, d’autres rallient. On avance à vue, et souvent à tâtons. Il faut ménager les égos, absorber les coups, faire en sorte que le navire ne prenne pas l’eau.
Le gouvernement actuel ressemble à une cohabitation permanente, même en l’absence d’un changement de majorité. Et au centre de ce tourbillon, François Bayrou, qui tente de maintenir l’équilibre entre loyauté institutionnelle et respect des différences. Un rôle d’équilibriste sous tension, qui exige de l’endurance, du flair et un solide sens politique.
La question n’est plus de savoir s’il réussira à imposer sa marque. Elle est de savoir combien de temps encore il pourra éviter que tout parte en vrille.